Le clientélisme Romain

15-09-2006 à 16:29:42
La notion des relations de clientèle domine toute la vie sociale de la Rome antique. Elle se manifeste par l'existence de liens entre un patron, homme puissant, qui protège de nombreuses personnes, ses clients, qui forment sa clientèle. Cette clientèle est formée par les paysans qui cultivent ses terres, par les esclaves qu'il a affranchis et leur descendants. Ces descendants d'affranchis portent d'ailleurs le gentilice de leur ancien maître (voir les Tria nomina, le clientélisme). Les clients peuvent aussi être des citoyens endettés qui se sont mis sous la protection d'un puissant, ou qui sont désireux de faire partie d'une organisation au sein de Rome.

Le lien réciproque qui unit le client à son patron porte le nom de fides (confiance partagée, loyauté).


Historique
L’ancienneté de cette relation est attestée par la Loi des Douze Tables, qui mit par écrit en -449 des dispositions orales antérieures : cette loi précise que si le patron exerce une tromperie à l’encontre de son client, il sera déclaré sacer, c'est-à-dire maudit et exposé à la colère des dieux.

Cette relation permettait d’agréger à la famille des individus ou des collectivités supplémentaires, élargissant les cercles sociaux de la gens et de la tribu, et débordant avec l'expension romaine au-delà de la seule citoyenneté romaine et du périmètre de la ville de Rome. En cela, la relation client-patron fut un des facteurs de l’expansion romaine dès ses débuts.

L'enrichissement des classes dirigeantes romaines, l'exacerbation de la vie civique accrurent l'utilité politique des clientèles dans les derniers siècles de la République romaine : les clients accompagnaient leur patron au forum, et faisaient activement campagne pour lui, même si la modestie de leur condition rendait leur vote exceptionnel selon les règles électorales. Ainsi le tribun de la plèbe Tiberius Gracchus se faisait suivre de plusieurs milliers de clients dans ses déplacements à Rome. Les ambitieux politiques suivirent cette voie, menant des cortèges servant autant d’escorte de protection que de manifestation bruyante de partisans.

L'attribution de la citoyenneté romaine à titre individuel ou à des cités italiennes entières, la distribution de terres aux vétérans démobilisés furent pour les ambitieux tels que Pompée ou Jules César d'efficaces moyens de se constituer de nouvelles clientèles nombreuses.

La fin de la République amena l'appaisement dans l'usage des clients à des fins politiques, mais il resta de bon ton pour la classe dominante d’avoir une clientèle nombreuse et visible, comme élément de prestige, et utile comme réseau de relations pour les affaires commerciales et financières. Ce système contribuait également à la paix sociale, en assurant à la frange déshéritée de la population urbaine un minimum nécessaire à sa survie.


Obligations du client
Le client doit appuyer les projets politiques de son patron au cours des diverses assemblées où le peuple se réunit, il fait campagne pour lui, vote pour lui (le vote électoral est public et oral à Rome jusqu'en -139) et doit s'abstenir d'action en justice contre son patron.

Le client rend visite régulièrement à son patron (traditionnellement tôt le matin) et le salue par son nom, en signe d'allégeance : une pièce située près de l'entrée de la domus traditionnelle des patriciens est même destinée à accueillir les clients venus se présenter à leur patron. À Pompéi existe une domus avec un banc de pierre en façade, pour que les clients patientent confortablement et témoignent ainsi du nombre important de la clientèle de leur patron.


Obligations du patron
En retour, le patron offre l'assistance à son client : dans les temps anciens, il offrait un repas, la sportule, bien vite remplacé par une pièce de monnaie, plus pratique. Le tarif habituel à Rome au début de l'Empire était de deux sesterces par jour. S'y ajoutait des cadeaux pour les occasions exceptionnelles : une place gratuite pour le spectacle organisé par le patron, un vêtement neuf pour le nouvel an, la prise en charge de frais pour un mariage, une donation sur le testament. Enfin le patron assiste son client en justice et lui sert d'avocat, ou lui en fournit un (voir par exemple en -81 l'affaire Sextus Roscius, plaidée par Cicéron à la demande de Cæcilia Metella).

Les humoristes romains plaisantèrent sur les clients intéressés qui couraient d'un patron à l'autre pendant des années, espérant obtenir une place sur le testament d'un patron.


--Message édité par le 15-09-06 à 16:30:26--
"Souple et calme, tel le chat maigre"
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